Entretien

Trois questions à Jean-François Trogrlic : "La mondialisation a rattrapé les syndicats"

3 min
Jean-François Trogrlic chargé de mission à la CFDT, ex-secrétaire national chargé de la politique internationale et européenne

Le mouvement altermondialiste est-il une force complémentaire ou concurrente pour le mouvement syndical ?

Les complémentarités progressent et c’est bien. Elles sont favorisées par une évolution des mouvements altermondialistes qui, de plus en plus nombreux, situent désormais leur action dans une problématique de résultats. Elles s’installent aussi à travers les forums mondiaux ou régionaux dans lesquels un espace de confrontation est possible. Beaucoup d’ONG ont fait surgir des débats aussi bien dans le domaine des droits et libertés que dans celui du développement durable. De son côté, le syndicalisme, touché au coeur de sa légitimité par les graves questions de l’emploi, ne peut plus faire comme si celles-ci n’étaient pas aussi directement liées à la mondialisation croissante. Il est mis au défi de concrétiser son affirmation historique de solidarité internationale. Il rencontrera ainsi l’action des ONG et c’est dans une meilleure conjugaison de leurs initiatives que se dessinent les voies d’une action efficace tant vis-à-vis des gouvernements, des institutions internationales que des multinationales. Le cocktail gagnant sera, sans doute, dans la recherche d’une logique d’intérêt général, c’est-à-dire de résultats issus de compromis, dans un mouvement altermondialiste très éclaté sur cette question, en même temps que le développement dans le syndicalisme d’une plus grande prise en charge des causes que les ONG ont portées sur le devant de la scène.

La reconfiguration du mouvement syndical international, avec le rapprochement entre les deux confédérations internationales -la CISL et la CMT-1, peut-elle aboutir à une intervention plus forte du mouvement syndical sur ces thèmes ?

La reconfiguration du syndicalisme international, confirmée au récent congrès de la CISL est bien l’objectif opérationnel du xxie, le rassemblement sur les valeurs et les pratiques concrètes, la recherche de résultats au-delà de la dénonciation feront de ce syndicalisme renforcé un vecteur encore plus important de démocratie et de construction d’une citoyenneté mondiale. La diversité, sinon l’éclatement, du mouvement altermondialiste, fait que cette étape n’est pas l’ordre du jour en son sein. Pourtant, des convergences importantes se développent avec une partie grandissante de ce mouvement à travers des initiatives concrètes du type Ethique sur l’étiquette et les questions de commerce équitable. Plus largement, la problématique du développement durable, sa traduction dans une approche dynamique de la responsabilité sociale des entreprises, deviennent des sources de recherche de complémentarités pour faire respecter ensemble les droits de l’homme au travail, le droit à l’environnement, le développement de l’emploi.

La CFDT a été très critique à l’égard des altermondialistes français (qui le lui ont bien rendu). Le moment n’est-il pas venu de se positionner différemment?

Evidemment, les conditions historiques du développement du mouvement altermondialiste en France ont pesé. L’ancrage de nombre de ses dirigeants dans des minorités politiques d’extrême-gauche n’a pas favorisé le débat et a bloqué les expressions communes. Les débats au sein du mouvement ou des événements comme l’expérience du Brésil, changent la donne. Le respect des légitimités de chacun ne peut que gagner à l’aspiration d’une grande partie du mouvement altermondialiste à plus d’autonomie.

  • 1. CISL (Confédération internationale des syndicatrs libres) CMT (Confédération mondiale du travail)
Propos recueillis par Philippe Frémeaux

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !
Sur le même sujet