Entretien

Industrie minière : "Oubliez le cliché de Ma cabane au Canada"

2 min
Alain Deneault philosophe et sociologue

75 % des sociétés minières sont domiciliées au Canada. Pourquoi ?

Le Canada a mis en place une législation de complaisance pour les attirer même quand elles n’ont pas d’activité réelle au Canada. Ce pays est devenu pour elles une sorte de paradis judiciaire et réglementaire. Il est très difficile de poursuivre une société canadienne pour des actes commis à l’étranger, bien plus qu’aux Etats-Unis par exemple. Les seules informations exigées des entreprises sont celles qui pourraient affecter le cours de Bourse... De plus, les investissements dans ce secteur sont encouragés fiscalement. Enfin, les sociétés minières enregistrées au Canada peuvent compter sur le soutien de la diplomatie canadienne dans les pays où elles opèrent. C’est fondamental, car l’exploration et l’extraction minières provoquent toujours des contestations que ce soit au Chili, en Angola ou encore au Mali. Ces activités s’accompagnent en effet de nuisances importantes : accaparements de terres, pollution de l’eau, travail exténuant, corruption endémique, tout cela en échange de faibles recettes fiscales.

Pourquoi une telle complaisance ?

Il existe une forte collusion entre la classe politique et l’industrie minière : depuis 1979, tous nos ex-Premiers ministres se sont reconvertis dans des sociétés minières ! Les retombées fiscales de cette attractivité du Canada sont pourtant assez faibles, car les entreprises peuvent facilement déclarer leurs profits dans des paradis fiscaux. Le Canada est une passoire vers les îles des Caraïbes, comme notamment La Barbade, grâce à un accord fiscal de 1980 entre les deux pays. D’ailleurs, pendant la guerre en République démocratique du Congo, de nombreux contrats miniers ont été signés en toute opacité avec des sociétés écrans domiciliées dans ces paradis fiscaux.

Le Canada n’est-il pas un pays sensible aux enjeux écologiques ?

Oubliez le cliché de Ma cabane au Canada ! Avec la sortie du protocole de Kyoto décidée l’an dernier, la lancée du Plan Nord qui transformera une partie du Québec en zone franche minière, et l’exploitation du gaz de schiste, du pétrole offshore et des sables bitumineux, le Canada livre sa vraie image. Il y a à cela des raisons historiques : nos institutions ont toujours été dédiées à la constitution de grands monopoles, notamment miniers, le plus souvent au détriment de l’environnement et des Amérindiens. Le Canada n’a pas de passé colonial, dit-on souvent. Mais en réalité, le Canada est un passé colonial...

Propos recueillis par Manuel Domergue

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