Vu de Pologne : "Paris doit tendre la main à Varsovie"

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Violation des droits de l'homme en Russie, nucléaire, budget de l'Union : la France pourrait jouer un rôle pivot dans l'Europe. A condition qu'elle se rapproche des pays d'Europe centrale.

Même si elle ne s’en rend pas toujours compte, la France est considérée par le reste du monde comme l’un des promoteurs des droits de l’homme. Chacun a en mémoire la Révolution de 1789, ainsi que la signature à Paris, en 1948, de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ou encore le rôle actif de Paris dans la création en 2006 du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Elle doit donc participer à l’élaboration de ce " minimum moral universel " que le philosophe britannique d’origine russe, Isaiah Berlin, appelait de ses voeux. Elle pourrait notamment se faire l’avocat d’une interdiction universelle de la peine de mort. Ou de règles commerciales internationales respectueuses des valeurs qu’elle défend. Sur le plan stratégique, la question de la non-prolifération va se poser à l’avenir de façon aiguë, car des pays émergents vont acquérir les capacités nécessaires pour fabriquer la bombe. Paris ne pourrait-il porter le projet d’une interdiction totale de l’arme nucléaire ?

La France doit aussi montrer l’exemple près de chez elle. En ayant, par exemple, le courage d’appeler par leur nom les violations des droits de l’homme commises en Russie. Une telle attitude aurait d’autant plus d’impact sur ses partenaires européens que, dans le passé, Paris a souvent courtisé la Russie dans l’espoir de conserver une relation bilatérale privilégiée avec elle. Afin d’éviter qu’à l’avenir, chaque membre de l’Union aille négocier à Moscou séparément au détriment des intérêts collectifs de l’Europe, la France pourrait promouvoir une analyse commune de la situation russe et la définition de " lignes de conduite " que chaque Etat membre devrait respecter dans ses rencontres bilatérales avec Moscou.

De façon générale, la politique étrangère de l’Union dépend de la France. C’est un pays pivot - comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne -, dans le sens où ses intérêts sont réellement mondiaux, alors que la majorité des pays membres de l’UE limitent leurs ambitions diplomatiques à leur voisinage immédiat. Les citoyens français sont favorables à une identité forte de l’Union sur la scène internationale. Ainsi, dans le débat qui a précédé le référendum sur le Traité constitutionnel, les innovations du texte portant sur la politique étrangère ont prêté à peu de controverses en France. Or la politique étrangère devra être au coeur d’un futur Traité. Ce qui suppose qu’un futur ministre des Affaires étrangères de l’Union ait réellement les moyens d’agir. Et donc qu’en règle générale, le vote à la majorité qualifiée remplace l’unanimité en matière de politique étrangère.

Demain, l’Europe devra faire entendre sa voix sur la scène internationale. Pour que cette bataille soit gagnée, Paris doit se tourner vers ses alliés, notamment la Pologne et les autres pays d’Europe centrale qui, au cours des dernières années, ont parfois fait des choix différents des siens. Après les querelles regrettables et inutiles sur l’Irak, le Traité constitutionnel ou l’achat par la Pologne d’avions F-16 américains plutôt que de Rafale français, il est temps de travailler ensemble sur les grands enjeux européens et internationaux. La France devrait mieux associer la Pologne à sa réflexion sur la réforme du budget européen, les relations avec la Russie, et l’avenir de la Politique européenne de sécurité et de défense (Pesd) pour laquelle les deux pays sont des contributeurs majeurs. En tant que " grande soeur ", la France doit pratiquer vis-à-vis des pays d’Europe Centrale une politique de la main tendue.

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